Face aux dangers, la gauche doit faire bloc.

Il nous faut bien le reconnaître : cette semaine qui s’achève enfin aura été l’une des plus difficiles depuis bien longtemps pour les français-es de gauche.

La gauche sans voix

Ces longues journées auront commencé par l’hémicycle du Sénat où était débattue une énième loi de restriction des droits des étrangers. Largement minoritaire mais pas divisée, la gauche sénatoriale n’a pu une nouvelle fois que faire le constat de son incapacité à contrecarrer le déploiement des discours inhumains et racistes des droites qui ferait presque passer Darmanin pour un modéré. Suppression de l’assistance médicale publique aux sans papiers, x-ième durcissement des conditions d’accueil, refus d’envisager le moindre mécanisme de régularisation simplifié, la collaboration des droites extrêmes et des extrêmes droites n’a fait que renforcer par voie d’amendements la dérive politique et médiatique xénophobe et violente du moment. Certes les gauches ont pu déployer leurs angles de résistances et de contre-attaque mais rien qui ne dépassera le cadre ignoré de la séance publique d’un Sénat largement inaudible pour le grand public.

L’enjeu est pourtant de taille. La loi Darmanin revisitée à la sauce Palais Bourbon est non seulement dangereuse pour les vies même de milliers et milliers d’être humains nés au « mauvais » endroit mais elle est aussi la démonstration que le programme du RN a largement empoisonné l’intégralité des droites et de ses électeurs. Rares bonnes nouvelles : la macronie ne semble pas prête, pour des questions d’images, à abandonner au reste de la droite l’AME et le « débat » sur le contrôle de l’immigration organisé de France 2 via la ligne éditoriale et le plateau ultra droitier de Caroline Roux n’a fait que peu d’audience. Ne nous inquiétons pas trop quand même, cela fera à la présentatrice un excellent C.V pour une éventuelle reconversion sur CNews.

En milieu de semaine, la victoire des Soulèvements de la Terre devant le Conseil d’État pouvait avoir un goût de revanche mais ce serait oublié que non seulement le détail de la décision sonne comme un dernier avertissement avant fermeture mais également que cette institution à l’indulgence très large a validé la fermeture d’une association anti fasciste dans le même pack de décisions. Si l’on n’arrête pas un soulèvement, le C.E vient surtout de lui rappeler qu’il est plus que fortement d’accord pour qu’on le surveille de très très près.

Le pire est toutefois arrivé à la fin puisque ces 7 jours se sont terminés ce dimanche par un paradoxe idéologique absolument immonde et abject. Une marche qui se veut contre l’antisémitisme vient d’aboutir à une victoire politique de l’extrême droite que ce soit par la tolérance voire les applaudissements de sa présence et les huées et les blocages qui ont accompagnés toutes les actions de gauche visant à rappeler la réalité idéologique de Zemmour et Le Pen. Le renversement complet des valeurs et des réalités a pris un tournant violent où les relais institutionnels de la parole du gouvernement de guerre israélien se sont confondus avec les intérêts politiques des droites réunies dans la communion imaginaire d’une République faussement protectrice qui était en réalité au service d’une machine de guerre idéologique contre la gauche, le tout sur le dos des réelles victimes de l’antisémitisme explosant.

Il serait d’ailleurs trop long de décrire ici toutes les dingueries auxquelles on a assisté cette semaine : le CRIF qui écrit publiquement que « la responsabilité des morts civils à Gaza incombe au Hamas et non à Israël », la timeline Twitter (anciennement X) de Mélenchon, EELV, le PCF et le PS qui espérait un « cordon sanitaire » à la manif, le harcèlement moral et professionnel de Guillaume Meurice pour une vanne, la relative bienveillance envers le RN alors que son président a avoué ne pas croire en l’antisémitisme de Jean Marie Le Pen, un tag « fuck antisémitisme » accusé d’être antisémite, … tout le monde semble avoir pris de la drogue et violemment et prêt à tordre tous les faits sans aucun appétit pour l’éthique ou la morale. Du pur trumpisme dans l’esprit comme dans la forme.

Pour la gauche, cette semaine fut l’une des plus désastreuses de l’année et le post mortem est implacable : il va falloir se bouger et vite. D’autant que l’ensemble a tout de même un énorme goût amer. L’extrême droite est aux gens de gauche ce que l’antisémitisme aux personnes de confession juive. Le danger est réel, grand et en croissance permanente. La violence est là et les abris disparaissent. Mais le reste de la société l’ignore voire la méprise ou la renforce. Ses 2 groupes devraient se rejoindre et se comprendre, or aujourd’hui ils semblent plus que jamais en opposition et c’est tout sauf normal. Il va falloir sérieusement se réveiller à gauche et apprendre à avoir la même écoute pour les personnes juives emplies légitimement de douleur et perdues que l’on peut en avoir pour les victimes de violences policières ou de discriminations en tout genre. Causes pour lesquelles on retrouve une partie d’entre elles.

Nous ne pouvons pas en tant que militant-e-s de gauche n’avoir aucun discours pour ses populations qui vont finir par se jeter en masse dans les bras d’une extrême droite qui feint une tolérance du moment pour mieux vendre sa haine et son islamophobie. Nous devons donc le répéter inlassablement : les juifs français ne sont pas Israël, ce sont nos concitoyen-ne-s par nature et parfois nos camarades. Il n’y aura pas d’issue à l’antisémitisme sans elles et sans eux. Qu’une telle fracture puisse s’instaurer est une erreur historique majeure.

Accueillir et applaudir Le Pen tandis qu’on hue la gauche à une manifestation contre l’antisémitisme, ce n’est pas normal ! Les tweets de Mélenchon, ce n’est pas normal ! Et tant d’autres choses qui vont avec ce « Ce n’est pas normal ! ». Il faudra hurler notre colère et notre honte autant de fois que nécessaire car tous ces évènements soulignent la nécessité vitale pour toutes les gauches d’arrêter les tirs en interne et de disposer au plus vite d’instruments de ripostes médiatiques et politiques coordonnées le plus rapidement possible.

La gauche doit repasser à l’attaque pas seulement parce que la défense de ses idées ne suffit pas mais aussi parce que la droite et l’extrême droite visent désormais la tête et le cœur. Lors de sa première campagne présidentielle, Mélenchon lançait en forme d’avertissement à propos de l’extrême droite : « à la fin ce sera eux ou NOUS! ».

NOUS y voilà ! NOUS sommes en train de perdre ce combat vital et il est plus qu’urgent de se ressaisir en revenant aux bases : la solidarité et la lutte sous toutes leurs formes et à tous les niveaux.

Bon courage à vous ! Vous n’êtes pas seul-e ! Prenez soin de vous et des autres !