Macron 2022. Je dois vous avouer que j’ai longtemps cru qu’il n’irait pas. Par volonté de ne pas risquer la défaite (comme Hollande) ou simplement pour faire comme ses prédécesseurs : vivre de la vente de conférences et de livres et avoir le bonheur de donner son avis tranquillement dans tous ses relais médiatiques sans jamais avoir à en assumer les conséquences. Mais non Macron, probablement guidé dans son égo par la pensée d’avoir été un président empêché, remet le couvert.
Il le fait via une longue allocution de 30 minutes car le « monarque » ne goûte visiblement guère la présence de journalistes, pourtant pas bien retors en France, auprès de son auguste personne. Le décor est planté, podium aux couleurs du drapeau national et Tour Eiffel en fond, à mi chemin entre un fantasme de mâle alpha sur la puissance d’un chef de guerre et la copie d’un CM2 à qui on demanderait « quels sont les symboles de la France ? ». Le discours, écrit puis réécrit sous la pression du virus, était essentiellement à destination de l’électorat de droite, dont il a cruellement besoin, et tentait de le faire lui aussi rêver à base de dégradation des revenus des chômeurs (la « réforme » de l’assurance chômage qui revient au Conseil d’État en octobre) et des retraites des prolétaires.
On s’en voudrait toutefois d’omettre, même si ce n’est probablement qu’un détail, qu’il a quand même annoncé dans un premier temps un renforcement drastique de l’utilisation du passe sanitaire en contradiction totale des promesses faites quelques semaines plus tôt. Si l’on ne commençait pas à en avoir de façon déprimante l’habitude avec ce gouvernement et ses députés, le revirement aurait de quoi surprendre et choquer.
Le problème de la pensée magique macronienne, c’est que le virus s’en fout complètement. Dotée d’une nouvelle version radicalisée à l’étranger, celui-ci redémarre avec brutalité dans une France qui a, une fois de plus, été ré-ouverte trop vite, trop tôt et sans se doter de réelles procédures de contrôles de l’aération ou du traçage des passages en lieux clos. Pensé comme avant tout économique, ce nouveau dé-confinement s’annonce donc comme un deuxième échec pour un Président confiné lui par son hubris et par la trahison de sa promesse originelle de renouvellement de la vie politique réduisant le rôle des ministres à de simples exécutants de ses désirs du moment et de ses élus à de simples presseurs de boutons « POUR » .
Si vous estimez que je m’acharne beaucoup sur une seule personne, rappelez vous que Macron, puisqu’il l’a voulu ainsi, décide seul. C’est assumé, revendiqué même et il n’apparaît donc pas injuste que , par conséquence, Macron devra être jugé ainsi pour la totalité de ses décisions
Je ne vous fais pas la liste des mesures sanitaires annoncées. Nous subissons déjà bien assez de débats là dessus mais surtout comme le diable se cache toujours dans les détails, il faudra attendre la fin de la discussion parlementaire pour connaître avec exactitude le périmètre. Même si, avec les exemptions déjà annoncées et accablantes pour les flics et les restaurants d’entreprise, on comprend très vite que la ligne sanitaire sera priée de laisser la place à l’économie et à l’autorité si ces dernières la juge trop bruyante.
Face à la multiplication des cas, Macron choisit donc la division en se moquant des conséquences. Il adore cela car, en bon communicant, il comprend très bien que celui qui pose une question simpliste peut facilement obtenir une majorité. C’est une pure stratégie de 2nd tour à laquelle nous insistons là et qui essaye d’instiller dans l’esprit public une opposition-poison : vaccinés contre non vaccinés. Certes, sanitairement la différence est fondamentale mais en en faisant le centre de son raisonnement politique et de part sa place centrale, Macron cultive une ambiance délétère et accélère les tensions au sein même des groupes sociaux les plus restreints (familles, cercles d’amis, clubs, collègues, …) où l’on se retrouve à poser nous même la fameuse question « T’es vacciné ? » à pleins de personnes proches. Au risque de passer pour un réac mais la police de proximité, c’était quand même mieux avant.
Au delà de ces sphères privées, la personnalisation et l’amplification de la tension conduit fatalement à une radicalisation. Le vaccin, déjà sujet inflammable, quitte de plus en plus le terrain scientifique pour devenir un enjeu social et politique. Se faire vacciner, c’est avoir confiance et c’est donc logiquement qu’on retrouve dans les manifestations actuelles tout ce qui se trouve de groupes de personnes réellement ou se sentant en rupture/abandonnés par l’État. Mentir sur les masques par exemple a aussi un coût à moyen et long terme.
Certes, il existe de vrais mouvements de gourous sacs à merde qui tentent de vendre leur came idéologique d’extrême droite, leur égo, leur secte et/ou leurs produits en se dorant des habits de faux rebelles surfant sur cette vague mais je pense qu’on doit garder en tête que beaucoup de réfractaires ou de personnes en doute sont avant tout des victimes manipulées ou perdues. Il serait fou de penser que la contestation n’est que la réunion de mouvements fachos et complotistes.
La défiance existe dans tous les camps et l’opposition devient un exercice d’équilibriste. Pourtant peu adepte de la subtilité dans le discours, le danger de dérive devait être suffisamment prégnant dans son mouvement pour que à gauche Mélenchon ait eu le bon réflexe de diffuser par Internet une intervention solennelle et réussie d’une demi-heure pour « fixer » la ligne de LFI. On attend encore que EELV, le PCF, le PS ou LR se réveillent car la question devient centrale au fur et à mesure que les jours passent : Comment s’opposer sans déborder ou se faire déborder ?
Là aussi la discussion parlementaire forcera tout le monde à sortir du bois. Peut être même que Le Pen se souviendra qu’elle est députée et viendra exceptionnellement siéger voire prendre la parole. L’espace politique est toutefois mince pour les oppositions et l’exécution complexe.
Il faudrait en un discours réussir à marquer l’opinion tout en faisant en sort de :
- Critiquer l’extension du passe sanitaire qui est un recul réel et dangereux des libertés
- Ne pas nier pour autant sa déplorable nécessite au vu de la gravité de la situation
- Rappeler qu’on peut douter de sa réelle efficacité au vu de son application plus que complexe
- Dénoncer les inacceptables et atroces comparaisons avec la Shoah ou l’Apartheid ou la dictature.
- Rappeler qu’il n’y a de toute façon pas suffisamment de doses actuellement pour tout le monde.
Le tout en suffisamment court pour que ça tienne sur une chaîne info ou un tweet.
Toutefois, face aux conséquences, nous ne devons jamais perdre de vue les causes. Ce n’est pas aisé quand on navigue entre angoisse du futur et agacement du présent mais avec cette pandémie nous ne pouvons du passé faire table rase. Quelqu’un qui refuse de se faire vacciner ne peut pas toujours se résumer à un crétin irresponsable et/ou qui se fait laver le cerveau, il peut être aussi le résultat d’une défiance qui vient de loin et dont l’abstention massive récente était un autre symptôme.
Le virus n’est la propriété de personne mais la gestion de la crise est de la responsabilité majoritaire du politique et à l’heure du bilan, il faudra faire le décompte des réussites comme du coût des mensonges, des revirements et des dénis. Il n’y a pas de sortie de crise magique.