Les podcasts sont comme la démocratie, une question de voix dans laquelle le blanc est le pire des invités. Et si l’abstention n’est certes pas la même chose qu’un vote blanc, toutes ces personnes qui ont refusés, pour différentes raisons, de venir déposer un ou deux bulletin de vote ont en quelque sorte « voté » avec leurs pieds. Et n’en déplaise à Richard Ferrand, président de l’Assemblée Nationale, il paraît quand même sacrément cavalier de prétendre que si les élections régionales et départementales s’étaient tenues en octobre au lieu de juin, le taux d’abstention eut vraiment été différent. Parce que le mouvement est tellement massif qu’il a même fini par toucher de plein front un RN qu’on sentait ultra-nerveux à l’annonce des résultats.
Mais l’extrême droite n’a pas été la seule surprise. Jusqu’à présent, beaucoup de partis vivaient très bien avec l’abstention, se contentant à chaque élection de regretter / de souligner / de promettre plus de pédagogie / de se remettre en question ou n’importe quelle formule bla-blz qui permettait de s’en tirer à bon compte sans jamais réellement essayer de régler le problème. Ça peut marcher quand l’abstention est élevée mais lorsque le tsunami est tel, difficile de dévier le sujet aussi hypocritement.
Parce que oui presque 9 jeunes de 18-35 ans sur 10 qui refusent d’aller voter, des présidents de bureau de vote qu’il faut aller réquisitionner pour que ces derniers tournent, c’est pas 3 personnes, c’est des centaines de milliers de gens qui décident de bouder. Et il apparaît donc impossible que le sujet n’atterrisse pas sur les pieds de tout le monde. D’autant que l’opposition a de sacrés arguments à faire valoir contre le gouvernement.
En effet, l’organisation de ces élections a été une accumulation de catastrophes. D’abord, si l’on savait que l’éthique politique n’a jamais été le fort de Gérald Darmanin, ce dernier se présentant à l’élection alors qu’en tant que ministre de l’Intérieur il en est l’organisateur, il faut désormais ajouter à ses casseroles son choix de retirer à la Poste pour confier à un prestataire privé la distribution de la propagande électorale. Le résultat a été calamiteux avec de nombreux documents qui n’atterrirent jamais dans les boîtes aux lettres des électeurs ce qui est un scandale démocratique majeur mais aussi l’occasion de voir que le mot « excuse » pouvait sortir de la bouche de Darmanin.
On pourra ajouter à cela une campagne quasi inaudible avec des candidats empêchés par les impératifs sanitaires de faire réellement campagne et/ou qui n’ont pas montré beaucoup de motivation à le faire. La campagne fut également indigente car LREM comme le reste de la droite, aidé par de nombreux médias complices, a couru derrière le RN pour nationaliser le scrutin sur des thématiques sécuritaires qui sont tout sauf dans les attributions des régions ou des départements Enfin, on pourra souligner que faire voter le même jour pour 2 élections aux modes de scrutin différents rend le tout d’une confusion absolue pour le citoyen.
Mais au delà de ce bilan noir pour la démocratie française et sa classe politique et médiatique, restent beaucoup de questions en suspens :
- Pourquoi est-il impossible de faire de vrais débats sur les compétences des régions ? Que les médias privés se vautrent dans le buzz ou la fange pour vendre du temps d’antenne est un choix, il est anormal que ce soit le cas pour le service public.
- Quels réformes faut-il faire pour rendre ces élections lisibles et compréhensibles ?
- Comment rendre l’équilibre du temps de parole une réalité lorsqu’on voit des médias jouer avec le statut de leurs éditorialistes pour exploser les compteurs ?
- A quand une grande enquête parlementaire de l’Assemblée Nationale ou du Sénat sur les raisons profondes du décrochage électoral d’une large partie de la population et qui est massif dans la jeunesse ?
- Comment fait-on pour en finir avec les jeux d’appareil sur les fusions de liste et les abandons stratégiques décidés en catimini par des équipes de campagnes loin du regard des citoyens ?
- Et est ce que toutes ces questions ne devraient pas être la priorité n°1 avant de continuer toute autre action politique ?
Bref, des questions de fond qui interrogent à la fois le modèle et la pratique de la démocratie. Pour l’instant, bon nombre de partis sont encore aux abonnés absents et les quelques initiatives qui pointent le bout de leur nez ne s’attardent que sur la forme (vote électronique, par correspondance, … on y reviendra dans un autre billet) et pas sur le fond. Les médias eux semblent dans leur quasi-totalité repousser la question encore une fois.
Comme si finalement une large partie de ce petit monde n’était pas si mécontent de voir une vaste majorité des citoyens réduits à leur silences tout en prétendant publiquement le contraire.