Quand on croit très fortement, et c’est mon cas, que les élections sont importantes, il est difficile de défendre le recours à l’abstention. Cela peut arriver car j’estime que l’abstention est parfois une solution surtout en cas d’élection sans réel choix. (Typiquement le 2nd tour des législatives de ma circonscription où c’était LREM contre UDI)
En revanche, devoir y recourir pour une initiative politique originale est un crève-cœur mais la primaire « populaire » ne mérite à mon sens pas mieux que cela.
Vices de forme.
Commençons par les méthodes. Cela a été prouvé par une vidéo qui a largement fait le tour des réseaux politiques et des médias et assumé par les organisatrices et les organisateurs avec une certaine honnêteté : la Primaire « Populaire » a décidé de soutenir un système de blocage des parrainages et de pourrissement de l’image des candidats afin de rendre plus compliqué à la fois la participation au 1er tour mais également les prêts bancaires nécessaires à une campagne électorale.
Pour moi, ceci est inacceptable et est avant tout le symbole d’une organisation qui ne fonctionne qu’avec une pensée magique joyeusement dénuée de toute morale et une absence de sens politique des conséquences de ses actes et de ses paroles qu’on retrouve également chez les macronistes. Pour paraphraser David Guiraud (Porte-parole Jeunesse de LFI) sur le plateau d’Arrêt Sur Images, « même les fachos ne nous font pas ça. ». Alors quand en plus l’initiative vient d’un groupe censée être du même bord, rien que cela devrait enlever à la primaire « populaire » toute crédibilité.
Il est évident que le système des parrainages des candidats par les élus est un très mauvais système. Tous les 5 ans, on change les artistes et le numéro de cirque revient mais la question posée n’est pas là . Utiliser les parrainages comme des moyens de pressions assumés et exclusivement contre des candidats de la gauche et du centre-gauche quand on prétend incarner l’union de ce « camp » démontre également le bien peu de considération qu’ont ces gens pour la politique et les campagnes politiques. Car une campagne politique, ce n’est pas simplement une candidate ou un candidat sur des plateaux TV, dans des meetings ou en débat. C’est une myriade de petites mains qui travaillent et qui voient ainsi leurs tâches devenir plus difficiles par une bande d’inconscients qui ne trouvent rien de mieux à faire que d’empêcher les autres de porter leurs idées.
Quand à l’idée de pourrir l’image des candidats dans l’espoir de les contraindre à se soumettre à leur vote, cela relève non seulement à jouer aux pompiers pyromanes (la gauche est à la ramasse ? Enfonçons là encore plus !) mais c’est aussi se prendre pour des faiseuses et des faiseurs de rois alors qu’aucune autorité politiquement légitime ne le justifie. 450 000 votants, c’est bien mais pour mémoire Benoît Hamon avait été investi dans une primaire de plus de 2 millions de personnes. Avant de donner des leçons d’égo à toutes les campagnes, ces gens feraient mieux de se regarder dans le miroir et d’agrandir avant la porte de la salle de bain.
Sur la forme, on pourrait aussi retenir un processus de sélection des candidats qui confine au baroque et à l’absurde où des personnes, qui ont dit, redit, re-re-re dit sur d’innombrables plateaux TV et conférences de presse qu’ils ne voulaient pas en être, se retrouvent contre leur consentement candidats à un exercice sur lequel ils n’ont pas le moindre droit de regard.
La blague continue puisque la sélection finale des candidats retient 2 candidates inconnues (Anna Agueb-Porterie et Charlotte Marchandise) et 1 candidat relativement inconnu (Pierre Larrouturou) et donc plus qu’incertains d’obtenir les 500 parrainages. Parrainages… que cette même organisation a contribué à bloquer. On notera également l’exclusion de Fabien Roussel (PCF) du scrutin pour cause de sur-présence masculine et de toute candidature d’extrême gauche (Poutou, Arthaud, Kazib) ce qui en dit pas mal sur ce que l’équipe derrière ça considère comme acceptable. Concernant Roussel, sur le même plateau d’Arrêt sur Images évoqué précédemment, la représentante de la Primaire « Populaire » l’incite toutefois quand même à rejoindre le mouvement. Madame est trop bonne.
Et tant qu’à être taquin, on pourra noter tout le génie qu’il y a à recourir au jugement majoritaire la désignation d’une candidate ou d’un candidat qui devrait se retrouver ensuite face à une élection ….au mode de scrutin différent.
Pour terminer, on notera également qu’il faut pour pouvoir participer au vote un mail, un téléphone portable et une carte bancaire. Peu surprenant car la plateforme utilisée est la même que celle qui avait été utilisés par EELV et LR pour leurs primaires mais là c’est « Populaire » qu’on vous dit.
Bref, tout ça n’a aucun sens politiquement et a probablement été pensé par une équipe à qui on a pas dû dire « non » souvent et qui confond la réalité avec ses rêves. Notez que je n’ai rien contre les utopies mais quand on prétend être la seule alternative à la défaite, on évite de sciemment flinguer toute possibilité de victoire avec de pareils non-sens.
On touche le fond.
Mais même en éliminant tous ces problèmes et en supposant que tout ça fait magiquement sens, le fond ne tient pas non plus. Déjà constatons que le « socle commun » est probablement la partie la plus travaillée de l’initiative même si le tout reste très vague (c’est compréhensible) et s’avère à la lecture bien plus Avenir en Commun compatible que Taubira ou Hidalgo compatible. Mais au-delà du programme, la vraie question qui importera sera : y aura-t-il une gagnante ou un gagnant pour porter ce programme ou même tenir compte de ce vote?
A supposer que celui ou celle qui sera sorti-e en tête du scrutin soit de mauvaise composition, il ou elle dira juste « Non, je m’en fous. Je continue. »
A supposer que celui ou celle qui sera sorti-e en tête du scrutin soit plus taquin-e que de mauvaise composition, il ou elle dira juste « Le socle commun est déjà dans mon programme, rejoignez moi mais je n’en changerais pas une ligne ».
A supposer que celui ou celle qui sera sorti-e en tête du scrutin soit de bonne composition… bref que ce soit Taubira ou un-e inconnu-e, il ou elle dira juste « Ok, c’est parti. Let’s go !!!! » et les autres diront juste « Non. Je ne reconnais pas ce résultat d’une primaire que je n’ai pas souhaité.»
Car dans la vraie vie et pas dans celle de la pensée magique, inscrire des gens de force à un scrutin c’est renoncer à ce qui est censé faire la force d’une primaire : l’engagement. Quand Sandrine Rousseau a perdu la primaire EELV, elle aurait pu se dire « Tant pis, à 2 points, Jadot est pas légitime, j’y vais quand même. ». Mais elle était engagée par sa participation à un scrutin pour lequel elle avait donné son consentement et on peut supposer qu’une partie de son électorat se sent également lié par cela.
(On pourrait m’opposer que des personnes comme Manuel Vallche et François Homard de Rugy se sont déjà assis sur pareils engagements en 2017 mais qui écoute encore ces gens en 2022 ? )
Là, la Primaire « Populaire », même avec 450 000 votants, n’a pas cet engagement que ce soit des candidats ou de leurs supporters et n’aura donc aucune arme pour forcer une union. C’est le problème avec les raisonnements bâtis sur du sable, ils s’effondrent très rapidement.
En politique, on additionne les voix mais on ne somme pas les électeurs. Les mouvements politiques et des idées sont bien plus puissants que les agitations de vendeurs d’espoirs bientôt à court de tour de passe-passe. De l’école primaire, on garde tous des rêves puis on essaye de les réaliser mais pour de vrai cette fois-ci.