Avec 38 listes en lice et des enjeux ultra flous, les élections européennes de dimanche ne sont vraiment pas faciles d’accès pour quiconque se tient un peu éloigné de la sphère politique. Revenons donc sur les règles et les enjeux du scrutin avant de vous expliquer pourquoi je porterais ma voix vers la liste dirigée par Manon Aubry.
Le club des 5%
La bonne nouvelle pour ce scrutin, c’est qu’il est simple à comprendre au premier abord.
La loi est très claire :
L’élection a lieu au scrutin de liste à la représentation proportionnelle, sans panachage ni vote préférentiel.
Les sièges sont répartis entre les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne. Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l’attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d’égalité de suffrages, le siège est attribué à la liste dont la moyenne d’âge est la moins élevée.
Les sièges sont attribués aux candidats d’après l’ordre de présentation sur chaque liste.
Article 3 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen.
Bon ok, peut être pas si claire que ça. Je vous résume donc tout ça en quelques règles du jeu.
- Règle 1 dit de la chance unique : Il n’y a qu’un seul tour, en 2024 c’est le dimanche 9 juin. Bref c’est ce dimanche quoi.
- Règle 2 dit du bulletin unique : Chaque électrice-eur ne peut voter que pour une liste. Ca veut dire que si tu mets plusieurs bulletins ou que tu modifie le bulletin de vote, c’est nul. Fin c’est un vote nul, toi tu es super hein, bouge pas ! Et surtout reste comme tu es bb, faisons l’am…. ! Ahem. Et pour finir les préliminaires de la subtilité électoral, si tu ne mets rien, c’est un vote blanc mais accessible à toutes les couleurs de peau. Pas de discrimination ici, on laisse ça aux flics et aux fachos. #ProposEngagés
- Règle 3 dit du Club des 5: Seules les listes qui ont au moins 5% des voix auront des sièges. Retenez là bien celle là.
- Règle 4 dit du nerd : Le scrutin se fait à la proportionnelle et les sièges restants sont distribués selon la règle de la plus forte moyenne. Pour toutes les personnes qui veulent plus d’explications sur comment ça marche, rassurez vous le Ministère de l’Intérieur a une page d’exemple…totalement planquée dans ses archives : https://www.interieur.gouv.fr/Archives/Archives-des-dossiers-de-presse/Dossier-de-presse-Elections-europeennes-20192/Annexe-n-3-exemple-de-repartition-des-sieges
Dernière info, la France élira 81 des 720 députés européens soit 11.25%. Si on part sur 25 millions de votes exprimés en France, votre voix représentera alors 0,0000000045% du total. Ce qui est toujours plus que ce que Amazon, Google ou Apple payent en impôts.
Hommes et femmes de PE.
Maintenant qu’on a vu comment ça marche, se pose la question des conséquences et des impacts de ce vote. Au delà du pour qui vient donc la question du pourquoi on vote ?
Techniquement, l’enjeu est bien sûr européen. Après tout, on élit des répresentant-e-s pour le Parlement Européen qui a une influence grandissante bien que limitée sur la marche politique de l’Union. Cependant, résumer de manière exhaustive les pouvoirs et les rôles du Parlement Européen dans un billet qui se veut pas trop long me semble improbable donc je vous renvoie lâchement vers sa page Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Parlement_europ%C3%A9en .
Ce n’est pas la première campagne européenne qui se déroule ainsi mais il est toujours frustrant et navrant de constater que la complexité des sujets institutionnels européens, leurs couvertures insuffisantes par les médias français et la rapidité de la campagne font de l’Union un sujet repoussoir pour les listes engagées dans le scrutin. Parler d’Europe, c’est au mieux être chiant, au pire inaccessible et ça ne rapporte quasiment rien électoralement à part si l’on vise un électorat plutôt riche et diplômé ou si l’on parle de certains sujets spécifiques.
Par conséquence, l’enjeu de ces élections est avant tout national. Le problème, comme je l’abordais dans un billet précédent, c’est qu’il n’y a pas historiquement de lien entre ce qu’il se passe aux européennes et la suite.
Cependant cette année, les partis politique ont l’air de croire à une réelle importance de ce scrutin et surtout à un impact dans la suite des évènements.
J’y vois 2 problèmes :
- A moins d’une énorme surprise, penser que les résultats auront une quelconque influence décisive sur quoi que ce soit m’apparaît illusoire tant la situation est encastrée. Je ne vois ni Macron prononcer la dissolution, ni les LR voter la censure. L’explosion, si elle a lieu, viendra du pays mais pas des institutions qui n’ont pas été pensées pour ce genre de scénario. Quand à la guerre des gauches, elle aura lieu quoi qu’il arrive et les désavantagés nieront la pertinence de ce scrutin.
- Plus important, à force de nationaliser l’enjeu cela affaiblit une fois de plus les candidat-e-s qui se retrouvent à devoir parler d’une chose à Paris tandis qu’ils travailleront sur autre chose à Bruxelles. Ce n’est pas le signe d’un fonctionnement démocratique sain.
Oui, Manon Aubry.
Terminons avec mon choix de vote. Mon raisonnement n’a rien d’original en soi : Je voterais LFI parce que c’est la ligne politique avec laquelle j’ai le moins de désaccords et que Manon Aubry est une excellente candidate. J’irais même jusqu’à dire que ça aurait été le cas même sans le dilemme du vote utile (choisir une liste qui a une véritable certitude de faire au moins les 5% requis pour avoir des sièges) car je n’ai pas beaucoup changé de convictions depuis mon premier vote en faveur de Mélenchon en 2012.
Sur les sujets à compétence européennes, j’ai de nombreux désaccords avec la ligne insoumise :
- Ukraine : la résolution proposée au conflit est cohérente dans sa logique mais s’avère pour moi irréaliste
- COVID-19 : le vaccin russe genre vraiment ?
- Rapport à l’antisémitisme et au complotisme : la différence entre le déni et le problématique est mince et LFI est souvent entre les 2.
- Politique nucléaire : ok pour miser sur le renouvelable mais je pense qu’il faut arriver à trouver un chemin entre les deux.
Tout comme je pourrais parler avec enthousiasme de ce qui me rapproche vraiment de ce mouvement :
- Gaza : je dois avouer que la ligne tenue par LFI sur Gaza m’a impressionnée et que c’est la seule force politique candidate à gauche qui a su tenir contre vents et marées pour représenter une position qui n’est pas complètement la mienne mais qui la rejoint. Sans eux, la gauche était à l’abandon. Ils ont tenus bons, ils ont eu raisons.
- Politique économique et sociale de gauche : Manon Aubry a bossé ses sujets et le refus des traités de libre-échange est la seule voie possible.
- Prise en compte de l’écologie : Idem que précédemment.
- Courage politique et jeunesse / dynamisme : je ne vois pas dans la liste insoumise autre chose que beaucoup d’avenir et de potentiels.
Si j’élimine la droite qui va des anti-NUPES de Glucksmann jusqu’aux néo-nazis et les listes farfelues ainsi que celles qui n’ont aucune chance d’avoir des sièges, il ne resterait, en dehors de LFI, que les Verts mais ils ont refusés l’union pour partir en solitaire. Cela est pour moi un critère éliminatoire + leur campagne catastrophique et leur repositionnement plus à droite achève de me convaincre que non ce n’est pas pour moi.
A dimanche pour savoir où tout cela nous mènera et votez à gauche !