Il y a quelque chose de pathétique à observer ces dernières années la vie politique de François Bayrou. La différence entre la gauche et la droite se trouve peut être dans une comparaison avec un autre fameux 3ème homme de la présidentielle. Comme Jean-Luc Mélenchon, Bayrou est doué pour détruire les quasi miracles politiques qu’il réussit parfois à construire. Mais là où le premier le fait dans le bruit et la fureur, le second se meurt sans bruit et sans panache.
Ainsi, après avoir été reconnu innocent dans le procès des assistants parlementaires européens du MoDem, François Bayrou a refusé d’entrer au gouvernement car l’offre proposée n’était, à son goût, pas suffisante. Rendez-vous compte chers gens du peuple ! On lui a proposé le Ministère des Armées alors qu’il souhaitait l’Éducation Nationale ou l’Aménagement du territoire. Oui je sais, c’est dur. Prenez quelques instants pour sécher vos larmes et continuons. Visiblement vexé de ce manque de considération envers sa haute personne, Bayrou a donc contre-attaqué. Il a ainsi critiqué le gouvernement Attal en des termes qu’un-e dirigeant-e de l’opposition n’aurait pas renié-e parlant de « démarche d’humiliation » et d’une « absence d’accord ». 7 ans pour s’en rendre compte, tout le monde ne peut pas être le beurre le plus salé de la crèmerie. On l’avait quitté bon chrétien, on le retrouve presque à abattre sa propre citadelle.
Suite à ses paroles, la panique s’empara de la soupe centriste car on apprendra peu de temps après que le béarnais a déclaré et négocié tout cela sans consultation de sa base parlementaire. Or ce groupe de députés est tout sauf prêt à cesser sa participation à la macronie. C’est tellement beau tant de solidarité. Après s’être humilié à voter ensemble la loi immigration négociée avec l’extrême droite, restons uni-e-s merde quoi . Fort heureusement pour ces braves députés, la réalité leur a donné un sacré coup de main avec l’annonce dans la foulée qu’il y aura un appel de la relaxe. Soulagement inattendu pour les aboyeurs pros des plateaux de C-News qui présentaient Bayrou comme un grand rescapé d’une justice aveugle et qui gagnent un os à ronger.
Ils ne sont pas les seuls à respirer. Une grande partie de la droite n’ose toujours pas s’avouer ce qui crève les yeux. Bayrou est un zombie politique que personne n’ose enterrer. L’ex faiseur de roi est devenu une marionnette qui a perdu toute crédibilité, reconnaissance (qui connaît encore François Bayrou si on a moins de 35 ans ?) et surtout flair. Son influence se résume désormais à de la nuisance que l’on contient avec des postes fictifs et des médailles en chocolat du style le Grand Conseil du Renouveau Français de la Nation Unie Qui Va Tout Mais Surtout Rien Changer 2 alpha turbo plus.
Broyés par la créature Macron qu’il pensait pouvoir dominer en arrière cour, Bayrou et son courant politique n’ont plus rien produit de significatif depuis plus de 10 ans. Le MoDem, qui avait été fondé dans l’urgence et l’euphorie de la présidentielle de 2007 et qui avait survécu à une longue traversée du désert, est désormais une coquille vide sans sens ni direction. Une étiquette inconnue que l’on brandit à côté de la photo de Macron ou du logo de son parti pour faire partenaire particulier. Même le jeu de mot du titre est dépassé depuis bien longtemps et sent l’époque d’Hadopi et de Cyprien mais sur Dailymotion.
Seule bonne nouvelle : Marielle de Sarnez, sa compagne politique de toujours, est morte avant de pouvoir assister impuissante à cette lente et pénible descente aux enfers. De façon douce-amère, on peut imaginer assez aisément que sa présence aurait eu une chance de pouvoir l’empêcher. On sait que le béarnais a l’habitude de survivre aux déserts mais même en politique il y a des limites aux deuxièmes chances. François Bayrou a 72 ans. S’il avait été nommé ministre de l’Éducation Nationale il aurait retrouvé un poste qu’il avait quitté… 27 ans auparavant. Si j’étais méchant, j’ajouterais que des profs qui avaient manifesté à l’époque contre lui pour son soutien d’ampleur à l’école privé allaient avoir un sacré Vietnam flashback.
François Bayrou a 72 ans. A son âge, même sa droite sera d’accord pour lui donner un droit à la retraite. Il est temps.