L’adoption de la loi xénophobe dite « immigration », au prix de redditions politiques majeures pour la macronie, n’est pas qu’une nouvelle victoire de l’extrême droite sur l’état de droit comme de la droite. Elle est aussi une étape importante de la concrétisation de la France sépia, cette alliance entre le marron des fachos et le gris des électorats âgés, qui est désormais le nouvel objectif électoral à l’intérieur de ce camp politique.
Cette orientation, si elle n’est pas nouvelle, désormais assumée et exigée est la principale responsable de ce qui a fait gripper la machine parlementaire. En effet, la prétendue « aile gauche » du macronisme, en réalité la somme d’une partie des jeunes élus et des transferts du centre gauche, ne peut se retrouver électoralement (et probablement aussi idéologiquement) sur cette ligne politique qui ne fait même plus semblant d’embrasser l’illusion du « en même temps ». Difficile toutefois de plaindre ces élu-e-s puisque non seulement bon nombre d’entre eux/elles n’ont pas réellement eu la volonté de peser mais surtout car ce schéma s’est déjà répété beaucoup de fois durant ce quinquennat comme le précédent. Naïveté coupable, opportunisme de courte vue ou aveuglement pur, on laissera à chacun la terminologie plus ou moins conciliante qu’il/elle préfère.
En 2023, la France sépia a prospéré de façon inquiétante pas tant par son nombre d’élu-e-s mais par sa radicalisation à marche forcée. Le pouvoir se caractérise ainsi par un autoritarisme paternaliste et un rejet singulier et réactionnaire des causes et des libertés de la jeunesse, en particulier celle défavorisée économiquement.
Petite revue non exhaustive de ce qu’il nous aura infligé au cours de l’année passée :
- La généralisation annoncée du SNU ou la militarisation/mise au pas d’une partie de la jeunesse la plus pauvre puisqu’on sait déjà qu’il existera des exemptions pour y échapper qui concerneront bien plus les classes sociales supérieures.
- La continuité de l’appauvrissement volontaire de l’enseignement public via les politiques budgétaires/salariales ou le maintien de la plateforme Parcoursup.
- La loi « retraites » qui a, entre autres, repoussé l’âge de départ à 64 ans et qui ne récoltait dans les sondages que la faveur de l’électorat âgé à une courte majorité.
- La défense de Gérard Depardieu et le dénigrement du mouvement #meToo ou des attaques sur les questions de genre illustrent un déni flagrant tant des enquêtes que des luttes actuelles pour l’égalité et la justice.
- Le constat précédent peut également s’appliquer aux violences policières encore très souvent niées médiatiquement et à un niveau systémique en ce qui concerne l’État.
- Les répressions violentes et régulières des mouvements contre le réchauffement climatique qui est avant tout une angoisse rampante des jeunes générations qui en hériteront.
- L’accusation envers les jeux vidéo ainsi que des réponses purement répressives visant parents et jeunes sans aucune prise en compte des malaises exprimés par les révoltes urbaines.
- L’attitude du gouvernement et de nombreux élus sur le conflit israélo-palestinien suit bien plus la ligne pro-israélienne majoritaire chez l’électorat âgé là où la ligne est bien plus contrastée dans la jeunesse. (C’est aussi le cas aux USA et ça pourrait compliquer la réélection de Biden même face à Trump.)
- L’implication forte pour imposer un uniforme scolaire.
Toutes ces actions ne sont pas uniquement de la responsabilité du gouvernement et de ses alliés directs mais elles sont soutenues par toutes les composantes de la France sépia. Cette France remplie de peurs et de haines et qui refuse de vivre et mourir dans un pays en changement. Tout semble se décider comme si nier ou encadrer la jeunesse dans un cadre fantasmé pouvait ancrer cette société dans la fiction d’une réalité passée qui finira pourtant inéluctablement par être dépassée.
Cette approche mortifère ne fait qu’inévitablement creuser le fossé entre les générations, alimentant un sentiment d’incompréhension et de marginalisation chez les plus jeunes qui aboutit à un éloignement tant des institutions que de la démocratie elle-même qui apparaissent d’une inefficacité insupportable. Pour une France qui se prétend à la recherche ou au service d’une cohésion nationale, ils n’ont jamais autant fait pour la desservir.