Ce billet est une expérience. J’ai soumis le billet précédent à ChatGPT en lui demandant de l’améliorer. L’IA m’a alors suggéré de nombreuses modifications. J’en ai accepté certaines et j’en ai refusé d’autres. Pour les points restants, je suis rentré en « discussion » avec l’IA pour comprendre son raisonnement et voir comment on pouvait aboutir à un compromis. Je dois l’avouer, l’exercice a été bien plus intéressant que ce à quoi je m’attendais. En voici le résultat, les différences, en plus du changement de titre, sont surlignées en gras.
Depuis Journey et Céleste, on le sait. Dans le jeu vidéo aussi, la montagne ça vous gagne. Atteindre le sommet coûte que coûte et voir au-delà pour mieux se confronter soi-même durant la montée et enfin changer son monde en l’observant de haut. Se joignant à la cordée des jeux de ce concept, Jusant ne se contente heureusement pas de proposer la même ascension et a l’excellente idée de profiter du fait de passer après pour créer cet indispensable « je » jeu qui est sincèrement un autre.
On y incarne donc un héros anonyme accompagné d’un petit volatile à plumes tout aussi mystérieux qui grimpe un mont rempli des habitations, des installations et des souvenirs d’une civilisation disparue. Notre terrain de jeu est un témoignage vertical, une terre marquée par les empreintes d’une population emportée par une tragédie. Au milieu des ruines sèches se trouvent des lettres qui, si l’on prend le temps de poser la manette pour les lire (ce qui n’est pas obligatoire), nous décrivent de façon assez juste un peuple précédent qui s’est trouvé laminé, mourant à petit feu par l’absence de pluie et donc d’eau, défaitiste face à une catastrophe climatique dont il ne parvient pas à contrôler les conséquences et qui perd peu à peu la mémoire des causes et des normalités.
Disons-le, l’idée scénaristique est excellente et a le bonheur d’être accompagnée par un gameplay d’escalade qui s’échappe avec sincérité et une liberté presque palpable des sentiers battus et vieillissants d’Assassin’s Creed et Uncharted. Difficile à décrire, plutôt facile à maîtriser, le jeu s’articule manette en main entre la gestion des 2 mains via les gâchettes, de l’endurance et des crochets à poser. Relativement aisé à prendre en main, le jeu s’avère également d’une difficulté paradoxalement peu élevée et accompagne souvent avec justesse le joueur dans son apprentissage. Graphiquement et musicalement également, le jeu s’est bien assuré d’avoir son art né. Son esthétique est cohérente et bossée, sa 3D est agréable, il transpire d’une poésie graphique simple et sincère et l’ensemble musical s’accorde en temps et en genre avec le reste. Enfin, pour conclure, sa fin a l’élégance de venir ni trop tôt ni après épuisement de la personne aux manettes et se déroule harmonieusement.
Vous l’avez toutefois vu, le texte de cette critique continue et c’est donc ici que s’arrêtera cette avalanche de compliments pour enfin attaquer le « mais » principal. Jusant est un jeu qui est sorti trop tôt et son absence de polissage casse beaucoup de ce qu’il réussit à construire par ailleurs. Ce sommet se prête vraiment assez mal à l’immersion.
Le plus embêtant, ce sont les nombreux bugs de collision. En choisissant un gameplay qui dédie une partie de son temps à l’exploration autant de ruines à pied que de façades à la corde, il est anormal de se retrouver aussi souvent coincé dans des éléments de décors. En 5 h, j’ai dû recharger le jeu à 3 reprises ne pouvant plus progresser autrement et je me suis retrouvé plus d’une bonne dizaine de fois incapable de me sortir d’un emplacement bloquant sans m’acharner sur la manette. L’escalade en elle-même se révèle parfois frustrante tant elle souffre également du syndrome du chemin unique où n’est pas toujours bien indiqué ce qui est une prise d’un élément non-interactif.
À ces soucis techniques s’ajoutent d’autres éléments qui viennent briser l’effet de suspension d’incrédulité. Les textes sont écrits dans des polices modernes ultra-utilisées, leurs emplacements ne font aucun sens et leurs découvertes sont donc artificielles et bien sûr prétextes pour tenter de porter le joueur sans que ne soit fait aucun réel effort derrière pour transcrire dans le décor ou dans l’atmosphère les désespoirs et les quotidiens décrits. À cela, on pourrait également se plaindre d’un héros messager sans voix ni personnalité qui n’imprime jamais, des séquences globalement répétitives et des tentatives d’importer des séquences poétiques qui sentent la copie ChatGPT de Journey, The Last Guardian ou Shadow of The Colossus.
Jusant est un jeu frustrant car inachevé. Le meilleur qu’il laisse percevoir est d’une sincérité et d’une beauté admirables et l’on sent un travail porté par de réelles ambitions d’écritures poétiques et cohérentes. Même la jolie et émouvante fin, bien qu’harmonieuse, ne parvient pas à compenser totalement ces défauts. Elle clôt une expérience qui, malgré ses moments de grâce, se voit ternie par des choix de conception et des problèmes techniques qui entravent l’immersion et la fluidité du jeu. Ainsi, Jusant semble réserver ses plus belles nouvelles vagues à une mer en jusant. C’est beau mais c’est trop loin pour être pleinement dedans.