20 ans après, Nina Tucker et Alexander sont toujours là.

Toutes les personnes qui ont lu ou vu Full Metal Alchemist savent ce qui se cache derrière ce titre. Aux autres, je déconseille la lecture de cet article sauf à accepter un spoiler majeur. Il sera ici uniquement abordé de l’anime FMA et non le manga ou Brotherhood.

20 ans.

Cela fait 20 ans que cette image me hante. 20 ans depuis cette fin d’après-midi où j’ai fini comme brisé devant la TV du salon de mes parents. Le destin ultra-tragique de Nina Tucker et de son compagnon canin Alexander fut un déchirement absolu à regarder. Un choc dont je ne retrouverais un équivalent en terme de secousse émotionnelle que plus d’une dizaine d’années plus tard avec le personnage de Mitty à la fin de la première saison de Made In Abyss.

Mais au delà du moment marquant, comment expliquer que ces deux là trônent toujours dans un coin de ma tête parmi tant d’autres angoisses ? Comme pour beaucoup de sujets qui logent gratuitement dans mon cerveau, j’ai donc décidé d’en parler ici. D’exorciser le mal par les mots une fois de plus. Mais comment parler de ce sujet ? Et pourquoi pas avant ? A bien y réflechir, je crois que ce qui m’a le plus freiné ne réside pas tant dans la dureté du sujet que par la difficulté de l’aborder avec les bonnes personnes.

Discuter de Nina et d’Alexander c’est avant tout se confronter au fait qu’elle et il restent, à mon grand désespoir, avant tout une source de blagues et de meme sur Internet. Or après toutes ces années, nous savons toutes et tous très bien que personne n’arrête ce genre de phénomène et que tenter de cadrer les choses c’est forcément s’attirer les trolls par un effet « connard de gosse ». Inutile donc et au de là de ça, on ne va quand même pas empêcher les gens de rire tout de même. Ne serait-ce que pour se protéger.

C’est là qu’est l’avantage immense de tenir son propre espace de publication : je peux me permettre d’aborder le sujet car j’aurais le contrôle des commentaires et parce que j’estime qu’il le mérite. En plus je devrais être tranquille car plus personne ne lit de blogs paraît-il. (D’ailleurs parenthèse mais si vous avez besoin d’un coup de main pour ouvrir le vôtre, ne pas hésiter à demander.)

Trahisons

Commençons par un constat, la longue séquence qui mène à la transformation et à la mort de Nina et d’Alexander est un « crime » prémédité par la série. Tout cela est avant tout pensé comme un piège tendu au spectateur.

C’est d’ailleurs la distinction principale que l’on peut faire entre Mitty et Nina. Dans Made In Abyss, le contrat avec le spectateur est clair. La logique de son univers consiste à nous faire descendre dans une horreur de plus en plus intense au fur et à mesure que l’histoire s’enfonce dans les niveaux de l’abysse. On sait qu’on va vers l’enfer et toute l’angoisse réside dans notre capacité à essayer d’anticiper jusqu’où et comment cela va t’il se passer cette fois. Cela n’empêche pas les chocs mais être averti permet de les encaisser plus facilement et de ne s’en prendre qu’à soi même si on est allé trop loin.

Dans FMA, rien de tout cela. Certes le monde de la série ne nous avait clairement pas été présenté comme quelque chose de joyeux, l’histoire commence avec les décisions cruelles et tragiques des frères Elric suite à la mort de leur mère, ou d’idyllique mais les crimes abominables de Shô Tucker arrivent de façon brutale. La surprise est d’autant plus choquante que les faits relève de la catégorie des plus impardonnables.

On a affaire ici non seulement à un homme qui a assassiné et sacrifié sa femme mais qui a en plus récidivé en trahissant la confiance et l’amour de son propre enfant (et de son compagnon animal) le tout pour son profit personnel. Il n’y a pas de crime plus odieux à imaginer qu’un infanticide volontaire d’autant plus que son auteur semble en tirer une fierté égoïste absolue et attendre la reconnaissance des autres de ses actes.

En terme d’horreur inhumaines, on pourrait objecter que nous connaissons les génocides et les massacres de masse, FMA aborde d’ailleurs ce sujet, mais plus les morts s’accumulent, plus le sort individuel des victimes nous apparaît abstrait et donc éloigné. Or là non seulement Nina et Alexander ont leurs propres character design, leurs propres animations, leurs propres vies de personnages secondaires mais ils bénéficient de réels interactions naïves et amusantes avec les héros de la série. Nina construit même avec Ed une réelle amitié intergénérationnelle.

Bref, la série nous balade volontairement, nous fait connaître et apprécier les futures victimes pour mieux venir nous choquer et amplifier ce qui est un massacre à plusieurs niveaux d’horreurs.

Lentes agonies

Les crimes de Shô ne s’arrêtent effectivement pas simplement à la trahison de toute morale. Non content d’avoir révélé que son enfant et son animal avait servi de sujets d’expérience, on nous montre en plans rapprochés que cette dernière est en plus un échec total et monstrueux. Non seulement la chimère ne comprend pas ce qu’il se passe mais ce qui reste de Nina semble s’accrocher à ses dernières forces pour s’adresser à Edward via un doublage étouffé qui traduit par ses silences et ses difficultés toute la souffrance insupportable qui traverse son corps et son esprit. A l’intérieur du monstre, Nina est là. Seule, perdue, comme mourante dans la souffrance et l’incompréhension absolue.

L’épisode se conclut par le meurtre sanglant (et délivrant) de la chimère et nous sommes laissés face au choc et au désespoir sans fin d’un Edward en état de sidération face à des taches de sang immenses sur un mur. Et comme l’enfer ne semble jamais vouloir s’arrêter, même la fin de l’épisode ne nous libérera pas. Poussant jusqu’au bout les potards, l’anime a été jusqu’à modifier uniquement pour cet épisode son générique de fin.

Véritable dernier piège, celui-ci commence par ses plans et sa chanson habituelle puis il se met à être parsemé d’images de Nina et d’Alexander. Son apothéose réside dans ce plan modifié d’Edward qui normalement passe d’un mode pensif à un léger sourire et qui se retrouve cette fois-ci à se forcer à sourire le plus fort possible tout en se retenant de pleurer. Le tout se concluant par le fameux « DARLING » suivi de l’image qui sert d’illustration en haut de ce billet. 20 ans après, l’émotion a toujours été vive au re-visionnage. Je pense sincèrement que cela relève du génie.

En toute honnêteté, je n’ai pas grand chose à rajouter à tout cela ou de grand analyse à partager. Au fond, cet article était assez égoïste et ne me servait qu’à vider un sac bien lourd. Cela m’a honnêtement fait du bien même si tout cela traînera encore sans nul doute longtemps en moi. Je vais donc m’arrêter là. Promis, le prochain article sera plus joyeux et donc on ne parlera pas de politique.

Si vous souhaitez partager vos ressentis de l’époque ou récents sur cette séquence, n’hésitez pas à le faire en commentaire.