Législatives 2024 #6 – La France fait blocs

Avec l’annonce des résultats le vent s’est levé et a emporté avec lui une large partie des renflements bruns provenant des candidats de l’extrême droite.

Maintenant que l’air est à nouveau plus respirable pour une large majorité de la population, ayons une pensée pour les millions de personnes racisées, femmes, d’une minorité de genre ou simplement différentes que ce soit par leur handicap ou autre qui étaient en danger et pour beaucoup terrorisées à l’idée de l’arrivée au pouvoir de la coalition fasciste. Rappelons que ce pays est tout autant le leur que celui des petites personnes qui votent en conscience contre leurs droits et leur mode de vie.

A gauche, au front la forme

Arrivée en tête en nombre de sièges mais très loin des 289 nécessaires pour la majorité absolue, la coalition de gauche fait bonne figure et a surtout enfin gagné le droit à sa chance de reprendre un peu de contrôle sur son histoire. Toutefois, le challenge s’annonce considérable tant la victoire est dû à des reports meilleurs qu’attendus de l’électorat macroniste mais surtout car les différences entre les votes de gauche s’annoncent très difficiles à réconcilier. Jusqu’au second tour, les couteaux n’étaient de sortie que dans les tréfonds de Twitter (anciennement X) mais très vite les affrontements vont reprendre avec de réelles divergences stratégiques.

La campagne de 2nd tour de François Ruffin en aura été le triste symbole. Prise de panique en fin de semaine et se sentant dans l’obligation d’aller grappiller un électorat campagnard anti-LFI des villes (dont on peinera à penser qu’il ne s’agit pas d’un rejet latent de l’anti-racisme plus que d’une répulsion contre le parler fort mélenchonnien), le candidat picard aura sorti du frigidaire un tract anti-Mélenchon qui laissera des traces. Et il n’est qu’une des nombreuses figures qui rêvent de jeter le leader de LFI par dessus bord par vengeance et/ou réels désaccords.

Toutefois pour soupe au lait fraise qu’elle soit, cette gauche plus modérée aura bien du mal à naviguer seule. Faire alliance avec les macronistes serait non seulement mathématiquement fragile (pas de majorité absolue même en combinant les sièges macronistes + gauche sans LFI) mais aussi cela supposerait de prendre le risque de déclencher une tempête dans la base à babord et de toucher le fond en 2027 à tribord. Cette alliance qui aura réussi à faire sortir le capitaine Mélenchon de ses quartiers n’a donc pas encore les moyens de la mutinerie car elle doit encore arriver à Bompard si elle ne veut pas couler le navire.

Mais ne gâchons pas notre plaisir : la gauche est vivante et elle est en tête. C’est un espoir qui commence et qui va supposer beaucoup de travail pour maintenir et amplifier la politisation qui est née avec cette campagne. Vous n’avez donc pas fini de me lire et de m’entendre.

Mais ce soir, chantons un peu.

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La macronie, barrage dedans

Le principal vainqueur de ces élections pourrait être paradoxalement des perdants. Bien que cédant nombre de sièges, la droite macroniste évite la déroute et se paye même le luxe du symbole de la deuxième place devant l’extrême droite. Bénéficiant à plein tube de sa résistance inattendue au 1er tour, du barrage républicain et du comportement une nouvelle fois exemplaire de la gauche, nombre de candidats d’Ensemble sortent vainqueur de leurs duels avec l’extrême droite. Restera désormais à savoir toutefois comment l’alliance MoDem/Horizons/Ensemble arrivera à fonctionner et jusqu’à quel point elle poussera la rupture avec le Président de la République qui leur aura envoyé, dixit sa propre expression, une grenade entre les jambes.

La résistance macroniste est toutefois une mauvaise nouvelle pour la gauche et la droite puisque ce groupe sera désormais le faiseur de rois et parvient à dépasser la malédiction du 3ème de la Vème République qui voudrait que cette place signifie la disparition de son pouvoir politique. Avec plus de 150 députés, impossible de l’ignorer mais la toxicité dans une large frange de l’opinion du macronisme la rend pour autant actuellement infréquentable. La parenthèse continue. Espérons qu’elle débouche sur de réelles réflexions sur l’organisation institutionnel et électorale de notre République.

L’extrême droite, du IIIème Reich à la 3ème place.

Bardella doit souffler. Non seulement, il n’aura pas à diriger la France mais il pourra en plus se contenter du rôle aisé de l’opposant fainéant qu’il a toujours été. Bien qu’elle renforce considérablement sa place et donc son financement public et donc sa dangerosité, l’extrême droite demeure malgré toute la propagande des médias Bolloré (CNews, Europe 1 et JDD) et de BFM une anomalie démocratique pour une large majorité d’électeurs.

Toutefois, cette semi défaite qui l’expulse de Matignon ne saurait cacher le dangereux tableau qui se peint un peu partout. Des millions d’électeurs ont donc voté sciemment pour un pseudo-programme xénophobe et raciste porté par des partis qui le sont tout autant. A ce niveau de haine et de violence, il va être plus que temps de tenir la digue et de bosser pour tenter de rattraper les sauvables et prévenir du piège ceux qui pourraient s’y laisser prendre.

Le répit est là. Il sera de courte durée.

En ce qui concerne ce blog, les prochain billets politiques seront consacrés aux leçons pour le futur de ces élections ainsi qu’au suivi du 3ème tour à savoir l’organisation de la nouvelle Assemblé. Je vais essayer également de revenir à des sujets plus culturels pour bénéficier moi aussi de ce répit.

Plus que jamais, prenez soin de vous et des autres.

Nemo